16.05, 17.05, 21 — 23.05

Kwame Boafo Accra

Threshold

danse — premiere

Arts et Métiers - Institut Marguerite Massart

Accessible pour des personnes en chaise roulante avec assistanceAssises sans dossiers | ⧖ ±1h | €16 / €13

Une chorégraphie peut-elle entrelacer différentes échelles de mouvement, comme celles du corps humain et celles des flux de marchandises d’un monde globalisé ? Kwame Boafo vit à Accra, au Ghana, où il travaille à l’ouverture d’un institut de mouvement et philosophie. Accra est aussi la ville portuaire par laquelle les vieilles voitures européennes – souvent réparées à Bruxelles – arrivent sur le marché ouest-africain. Avec Threshold, Boafo crée un magnifique solo aux images et aux mouvements raffinés évoquant des pièces de voitures, déployant un dialogue poétique entre la chorégraphie et l’histoire commerciale. Pour ce projet, Boafo collabore avec l’artiste Percy Nii Nortey, qui recycle des matériaux provenant d’ateliers mécaniques au Ghana pour mettre en lumière les histoires que racontent ces voitures en fin de vie. Nortey, en collaboration avec des étudiants de l'Institut Marguerite Massaert, a créé un rideau à partir des tissus ghanéens utilisés pour nettoyer les véhicules venus de Bruxelles. Présenté dans l’atrium monumental des Arts et Métiers – une école technique implantée le long du canal, la zone d’où partent les voitures – Threshold apparaît comme une composition viscérale qui explore par la danse les espaces qui se cachent entre notre présence, la dégradation de l’environnement et le consumérisme. Une performance qui rend soudainement visible les mouvements humains et non-humains de notre économie mondialisée.

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THRESHOLD

Threshold incarne une exploration, une recherche à travers un dialogue continu entre humains et non-humains, une mobilité spatio-temporelle et des souvenirs. La recherche a débuté en 2018, enracinée dans des errances ludiques lorsque j’assurais le commissariat de l’exposition individuelle et inaugurale de Percy Nii Nortey intitulée Poetics of Material Memory. L’exposition m’a procuré un espace où j’ai pu jouer, remettre en question, échouer, me mouvoir et interagir avec des objets qui imitent les vies et les souvenirs poignants d’automobiles en fin de vie importées au Ghana depuis l’Europe et l’Amérique du Nord.

Ce titre, Threshold, est tiré d’une performance conçue en 2015, mais jamais réalisée en raison de refus de visas et de défis logistiques. Pour moi, Threshold est une capsule temporelle qu’il faut encore ouvrir et qui contient les histoires et les récits d’humains et de non-humains ayant traversé de multiples strates géospatiales, connaissances, objectifs, significations et fragilités. À travers une approche multidisciplinaire qui combine mouvement, son et installation, Threshold explore l’espace liminaire entre la matérialité et la mémoire.

Cette performance dialogique immersive me permet de partir en quête de tensions, de découvertes et de chorégraphies inattendues, où le corps humain devient le narrateur de la « géoportation » de biens et d’humains. Le corps se fait l’écho de souvenirs en esquissant une danse délicate dans laquelle je forge un lien intime avec des objets, naviguant à travers des incertitudes changeantes et des angoisses profondes. En explorant l’interaction entre le mouvement et la mémoire, j’espère susciter une réflexion sur l’interconnexion du consumérisme et de la durabilité environnementale. Que deviennent les automobiles en fin de vie lorsque, passant par Bruxelles, elles aboutissent dans une ville d’Afrique de l’Ouest? Que devrions-nous faire de ces précieuses machines, qui sont également des armes mortelles de pollution et de gaspillage? Ces questions circonscrivent mon exploration de l’impact du commerce mondial sur les communautés locales et sur l’environnement. En vue de répondre à ces questions, je me sers d’automobiles en fin de vie comme de vaisseaux qui démontrent la coexistence de différents moments dans le temps et dans l’espace, de manière à la fois visible et viscérale.

Cette performance déstabilise nos perceptions de la matérialité et de la mémoire, elle nous propulse vers une analyse des récits émotionnels et politiques tissés dans les relations complexes entre les flux de marchandises, la durabilité environnementale et les dynamiques de pouvoir inégales qui régissent le commerce mondial. Threshold s’efforce de favoriser des dialogues innovants sur la manière dont on reconditionne et réaffecte les automobiles en fin de vie au service de nouveaux impératifs urbains et les fragilités qu'elles peuvent avoir quand on leur donne une nouvelle vie, de nouvelles fonctionnalités, de nouveaux souvenirs et une nouvelle durabilité.

Dans cette performance aux mouvements en forme de grille, le public est invité à reconnaître sa place dans la chorégraphie hautement élaborée de la dynamique mondiale qui englobe les enjeux climatiques, le consumérisme et la circulation des biens. Nous sommes invité·es à reconnaître les systèmes imbriqués qui, bien qu’apparemment bénins dans un contexte donné, peuvent avoir des répercussions à la fois positives et négatives ailleurs. Il n’y a pas de finalité didactique à cette performance, rien que du désordre chorographique qui s’étend et se contracte dans un cycle continu de sons, de mouvements et de sensations fébriles de joie et de désespoir.

Ayant été absent de la scène pendant environ quatre ans et demi en raison d’études supérieures, de l’impact du COVID-19 et d’événements tumultueux dans le monde,

Threshold émerge comme une ode à la redécouverte de ma présence corporelle. Submergé par l’accumulation de routines, de rythmes, de postures et de vulnérabilités, je trouve du réconfort dans les domaines du mouvement, de la lenteur, de la respiration et du silence –un moyen de transcender les limites et les contraintes de la vie universitaire. Il s’agit pour moi d’un voyage paradoxal, car je reconnais que le mouvement lui-même suppose un déplacement du corps. Ainsi, dans mon retour à la conscience corporelle, je m’embarque dans un double déplacement –pour arriver ou ne pas arriver dans un espace d’articulation. Ce processus reflète la transformation que subissent les automobiles en fin de vie lorsqu’elles atteignent l’atelier d’un mécanicien au Ghana –elles sont soumises à une chirurgie mécanique, sont désassemblées et réassemblées, dotées de strates de souvenirs, de fragilité, de vitalité et de fonctionnalité. Les automobiles en fin de vie transmettent des souvenirs à travers le temps et l’espace et mettent en évidence le processus inégal de délabrement lorsqu’elles prennent la route au Ghana.

Kwame Boafo, avril 2024

Présentation : Kunstenfestivaldesarts, Institut Marguerite Massaert
Chorégraphie et interprétation : Kwame Boafo | Installation artistique et scénographie : Percy Nii Nortey en collaboration avec des étudiants de l'Institut Marguerite Massaert: Ali Iedo, Moâad Bouihrouchane, Mamadoudian Diallo, Mohammed Khlifa, Ilyas Jadi Moussa, Darlinshy Biala, Moise Engendo, Hatem Ben Alaya, Mariam Ouadrhiri, Haythem Marhfour, Nadir Senhaji, Daoud Hammas Driss, Hamza Sehimi, Jean Dierickx, Mohamed-Amin Derraz El Kabir | Création sonore : Hakeem Adam | Dramaturge : Yasen Vasilev
Commandé et produit par Kunstenfestivaldesarts

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