12 — 16.05

Eduardo Fukushima, Beatriz Sano, Tomie Ohtake São Paulo

horizon

danse / arts visuels

WIELS

Accessible aux personnes en chaise roulanteAssises sans dossiers | ⧖ ±40min | €20 / €16 | re-création

Une ligne fend l’air ; une forme immobile qui, pourtant, semble danser. Les sculptures de Tomie Ohtake trouvent l’équilibre entre abstraction et capacité à éveiller l’imagination, entre forme et sensibilité. Née à Kyoto, Ohtake s’installe jeune à São Paulo, où elle résidera jusqu’à sa mort en 2015. Son œuvre exprime le sentiment de ne pas appartenir à un seul endroit : chaque trait est un geste contre la stabilité et la forme figée. Pendant des années, Eduardo Fukushima – chorégraphe brésilien d’origine japonaise – a travaillé sur la notion de perte d’équilibre. Le personnage d’Ohtake et son œuvre, qui établit un lien entre instabilité et identités complexes, sont pour lui une importante source d’inspiration. Avec Beatriz Sano, il crée une chorégraphie avec les œuvres d’Ohtake, qui ponctuent l’espace du Wiels sur les rythmes d’une batterie jouée en live. Alors que les pas fascinants de Fukushima et Sano nous hypnotisent et nous transportent vers une douce onde mettant l’espace en mouvement, les sculptures semblent danser. horizon est la première occasion de voir les œuvres d’Ohtake à Bruxelles, conservées habituellement dans différents musées à travers le monde. Une étourdissante chorégraphie de corps et de sculptures qui propose une découverte aussi fascinante que déroutante.

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HORIZON

«Au début, j’ai pensé: tension. [...] Le problème de ma sculpture, c’est la tension».
Tomie Ohtake

Née à Kyoto en 1913, l’artiste visuelle Tomie Ohtake a démé- nagé très jeune à São Paulo, au Brésil, ville qui est connue pour abriter la plus grande communauté japonaise en dehors du Japon. Elle y a vécu jusqu’à sa mort en 2015.
Encouragée par l’artiste japonais Keiya Sugano, Tomie Ohtake a commencé à peindre à l’âge de 40 ans. Au fil des ans, Ohtake a développé un vaste corpus d’œuvres se caractérisant par une quête constante et assidue de la synthèse, qu’elle soit acquise par l’économie de formes simples et rompues, agencées dans des compositions raffinées et concises, ou par un subtile équilibre entre l’utilisation libre de formes abstraites, gestuelles, et un soin méticuleux dans la disposition des éléments. L’œuvre de Tomie Ohtake se développe à la frontière entre la réflexion et l’action, la rationalité et la sensualité, à l’intérieur d’un cadre caractéristique de la peinture occidentale, mais profondément lié à la tradition japonaise.

Tomie Ohtake a débuté sa carrière en peignant les paysages qu’elle apercevait de sa fenêtre et les objets présents dans sa maison, avant de se détacher de la figuration. Parallèlement à ses œuvres graphiques et à ses peintures, elle a également créé des sculptures. Ses œuvres tridimensionnelles matérialisent les lignes libres et enlevées qu’elle a utilisées tout au long de sa production picturale. Avec simplicité et légèreté, son œuvre sculptée suggère la flexi- bilité et la liberté, et invite à percevoir le vide ambiant.

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Beatriz Sano et Eduardo Fukushima sont deux chorégraphes et danseur·euses brésilien·nes d’origine japonaise. Tout au long de leur carrière, entamée il y a une quinzaine d’années, iels ont étudié les pratiques corporelles japonaises et chinoises tout en présentant des spectacles de danse dans différents contextes. Ohtake, Sano et Fukushima sont des artistes de générations différentes, mais iels sont aussi des contemporains, partageant le sentiment de ne pas appartenir à un seul endroit. Chaque coup de pinceau d’Ohtake, chaque geste de Sano et de Fukushima va à l’encontre de 8 la stabilité et de la forme fixe. Le travail artistique et l’ambiance de l’atelier de Tomie Ohtake ont fourni le champ créatif pour la construction d’horizon.

La conception d’une œuvre basée sur le travail de Tomie Ohtake a exigé de Beatriz Sano et d’Eduardo Fukushima un changement de méthodologie dans leur processus créatif, qui a généralement recours à l’improvisation. L’immersion du duo dans la maison-atelier de Tomie Ohtake, dans ses œuvres et dans la richesse des textes critiques les a amené·es à aborder les formes –des arrangements non figuratifs a priori dépourvus de charge émotionnelle, des rythmes de lignes imparfaites et singulières formant des courbes et des cercles – comme des partitions musicales.

Dans les sculptures d’Ohtake, iels se sont plus précisément intéressé·es à la déconstruction de l’équilibre qui découle du geste précis consistant à façonner des formes imparfaites toujours susceptibles de basculer, ou de rester debout. L’instabilité est obtenue par les torsions qu’Ohtake fait subir à des matériaux rigides tels que l’acier, où la déformation et la torsion de la ligne des sculptures déstabilisent également son environnement.

Après avoir étudié les formes, les dessins et la matérialité des peintures et des sculptures de Tomie Ohtake, Beatriz Sano et Eduardo Fukushima ont développé une partition chorégraphique qui accorde une attention sophistiquée aux mouvements cycliques et involontaires qui habitent le corps répétant continuellement le même mouvement. «Deux à l’unisson ne font qu’un, forces opposées dans la même forme, comme un aimant», selon les mots des chorégraphes.

La musique, un morceau de batterie conçu et interprété en direct par Chico Leibholz, a été composée en même temps que la chorégraphie. La réverbération des percussions souligne les vibrations du mouvement dans le temps, amplifiant ainsi les topographies créées par la chorégraphie. Les costumes, conçus par Rita Comparato (pour la marque IRRITA), rassemblent ses recherches antérieures sur les imprimés, les couleurs, le modelage et les coupes. Ils mettent en valeur les mouvements du corps, tout en proposant de nouvelles possibilités de contour, les vêtements brouillant l’air, l’espace et les surfaces du sol.

La danse, basée sur la respiration et sur l’intensification du mouvement élémentaire d’équilibre du corps et de ses répercussions spatiales, est presque toujours exécutée horizontalement sur le sol. La formation et la déformation des lignes et des espaces rythment une pulsation constante et ininterrompue; la qualité ondulatoire des mouvements rappellent les sculptures tubulaires de Tomie Ohtake, formes tordues à la géométrie malléable, dont certaines réagissent au toucher, oscillant entre leur force de gravité et l’instabilité de la forme.

Dans la sculpture de Tomie Ohtake, ce qui semble léger est en fait très lourd, tandis que ce qui paraît doux est en fait très rugueux. Ce travail sur la perception, caractéristique du travail d’Ohtake, a influencé les mouvements de Beatriz Sano et d’Eduardo Fukushima dont l’œuvre crée un contact intime entre les lignes courbes et inertes des sculptures et notre fascination pour les corps en mouvement. Bien que certaines œuvres d’Ohtake soient exposées dans de grands musées dans le monde entier, c’est la première fois que l’on peut les découvrir à Bruxelles, au WIELS, et dans leur mise en relation dynamique avec une pièce chorégraphique.

Beatriz Sano, Júlia Rocha, Eduardo Fukushima, Isabel Ramos Monteiro
São Paulo, avril 2024

Présentation : Kunstenfestivaldesarts, WIELS
Création et interprétation : Beatriz Sano & Eduardo Fukushima | Sculptures et peintures : Tomie Ohtake | Composition musicale et interprète : Chico Leibholz | Dramaturgie : Júlia Rocha | Régisseur général et projet expographique : Hideki Matsuka | Costume design: Rita Comparato (Irrita) | Photos: Danielle Satiko, Vitor Barão, Ricardo Miyada | Vidéo : Ricardo Miyada 
Production : Corpo Rastreado 
Commandé et produit par Kunstenfestivaldesarts, en collaboration avec WIELS
Avec le soutien de l’Instituto Tomie Ohtake
horizon est le projet soutenu par les Friends du Kunstenfestivaldesarts en 2024

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